Quand le danger ne se voit pas
Peu de dangers sont aussi trompeurs qu’un iceberg. En surface, ils paraissent petits et inoffensifs, mais tout navigateur le sait : l’essentiel est toujours caché.
C’est exactement ce qu’a vécu un capitaine lors d’une traversée calme de l’Atlantique. La mer était un miroir, le ciel un manteau d’étoiles. Au loin, une tache blanche apparut : un iceberg.
« Le danger est sous contrôle », pensa-t-il. « Il suffit de maintenir le cap, il est décalé sur la gauche. »
Il ajusta légèrement le gouvernail et poursuivit confiant.
Quelques minutes plus tard, le navire trembla dans un fracas. La coque venait d’être déchirée. Non par la partie blanche visible… mais par l’immense masse cachée sous l’eau, bien au-delà de ce que les yeux pouvaient imaginer.
La vérité cachée sous la surface
Avec les personnes, c’est exactement la même chose. Dans la vie professionnelle, en tant que managers, leaders ou collègues, nous observons ce qui est visible : le comportement, la manière dont quelqu’un parle, réagit, s’organise.
Mais la plus grande partie de l’iceberg reste invisible : ce sont les valeurs et motivations qui orientent chaque choix, chaque décision. Ignorer cette dimension, c’est croire qu’il suffit d’éviter ce qu’on voit. Tôt ou tard, la relation heurtera ce qui se trouve sous la surface.
Imagine un manager commercial très orienté résultats. De son point de vue, la priorité est d’avancer vite, signer des contrats, conquérir le marché.
En face, son assistante ou un commercial de l’équipe accorde peut-être beaucoup plus d’importance à la qualité de la relation client ou au soin apporté au service.
En surface, ils semblent parler de la même chose : clients, propositions, contrats.
Mais ce que chacun considère comme “important” n’est pas le même — et cela reste caché.
Si le manager n’en a pas conscience, il peut juger son collaborateur “lent” ou “peu proactif”. Et le collaborateur, lui, peut ressentir le manager comme “froid” ou “obsédé par les chiffres”.
En réalité, aucun n’a tort. Ils naviguent simplement avec des forces invisibles différentes.
Les courants de Spranger
Au début du XXᵉ siècle, le philosophe allemand Eduard Spranger s’est posé une question universelle : “Qu’est-ce qui motive réellement les êtres humains ?”
Ses recherches ont montré qu’au-delà des comportements visibles, il existe des valeurs profondes qui guident chaque décision. Ces valeurs sont aussi universelles qu’anciennes : elles traversent les époques, les cultures et les contextes, car elles appartiennent à la condition humaine.
Spranger a identifié six grandes motivations, comparables à des courants invisibles qui poussent chaque navire dans une direction particulière. Ses travaux ont inspiré la méthodologie AEC DISC, qui traduit ces forces en six motivations universelles :
- Cognitive → besoin d’apprendre, de comprendre, d’analyser.
- Esthétique → recherche de beauté, d’harmonie et d’équilibre.
- Utilitaire → focalisation sur le concret, l’utile et le retour.
- Altruiste → désir d’aider, de soutenir et de contribuer aux autres.
- Individualiste → volonté d’affirmation, d’influence et d’impact.
- Traditionnelle → quête de sens, de valeurs et de cohérence spirituelle.
Aucune n’est meilleure qu’une autre : ce sont des forces complémentaires présentes en chacun de nous, dans des proportions différentes. Les ignorer, c’est naviguer à l’aveugle. Les reconnaître, c’est se doter d’une boussole invisible mais essentielle.
Mon propre iceberg
En surface, on perçoit surtout chez moi le bleu (structuré, rationnel) et le vert (stable, orienté vers les relations de confiance). Mais sous la surface, il y a des forces invisibles qui dirigent mon navire :
- Ma motivation cognitive, qui me pousse à apprendre et comprendre sans cesse. C’est elle qui me fait plonger dans des méthodes comme l’AEC DISC pour les transformer en outils concrets.
- Ma motivation esthétique, qui cherche l’harmonie et la beauté jusque dans les relations humaines. Elle se reflète dans mon travail : aider les personnes et les équipes à trouver clarté, fluidité et alignement.
- Ma motivation traditionnelle, qui m’ancre dans des valeurs et un sens profond. C’est elle qui me fait considérer le coaching et la formation non comme des techniques, mais comme une mission : accompagner les autres à agir en cohérence avec leurs convictions.
Ces motivations ne sont pas des concepts abstraits. Elles expliquent pourquoi j’ai choisi mon chemin actuel, entre formation et coaching.
Quand j’anime un cours ou j’accompagne un changement, je me sens dans mon élément. Ce n’est pas un rôle que je joue, c’est l’expression naturelle de mes forces invisibles.
Si je tentais de vivre à contre-courant de ces motivations, ce serait comme naviguer contre moi-même — et la coque finirait par se fissurer.
Quand l’invisible devient boussole
La méthodologie AEC DISC, aussi appelée “méthode des couleurs”, ne sert pas seulement à cartographier les comportements visibles. Elle révèle aussi ce qui est caché : les forces profondes qui, comme la partie immergée d’un iceberg, orientent nos choix et expliquent tant de malentendus.
Quand ces forces restent dans l’ombre, elles provoquent des collisions inattendues. Lorsqu’on les rend visibles, elles deviennent une boussole puissante pour aligner les personnes, les équipes et les décisions.
Tout comme un capitaine, nous avons besoin de cartes qui montrent non seulement la ligne d’eau, mais aussi ce qui se trouve en dessous. Nous avons besoin de comprendre ce qui est invisible chez les autres.
👉 Et vous ? Avez-vous déjà vécu un “choc” dans une relation qui venait non pas du comportement visible, mais de ce qui était caché sous la surface ?
— Exploration en Couleurs 🌈🧭

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